Ode à novembre
- La plume et l'ancre
- 19 nov. 2021
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 nov. 2022
Pour apprécier novembre, il faut aimer les lumières obliques.

Il faut saisir l'appel des coulisses et des sentiers de traverse, se laisser glisser jusqu'au carrefour des deux mondes. Là où la magie émerge, dans cet entre-deux fait de frimas et de chuchotements. Dans cette mince couche de rosée blanche déposée comme un secret sur la lande et qui s'évapore au moindre regard.
Novembre est un portail, où l'ancienne réalité s'enveloppe de brouillard et les chimères prennent corps.
Novembre est vapeur, cristal en suspension, prisme qui révèle l'essence en chaque être.
Une clarté fragile. Comme une dentelle de givre en équilibre sur la lueur frêle du matin.
Je n'avais jamais remarqué à quel point novembre était lumineux. À quel point sa lumière était vive, dans sa subtile inclinaison, et ses rayons si aiguisés qu'ils transpercent toute chose.
Pour la première fois je perçois derrière cette apparente grisaille combien la vie est criante quand elle est sur le point de quitter un corps. Comme si dans ce grand dépouillement, je pouvais distinguer l'esprit qui habite la matière, alors justement qu'il quitte son écrin végétal, pour occuper tout l'espace autour. La vie n'est plus enfermée. Elle se promène librement. Elle se capte comme une libellule au vol, comme le bourdonnement d'un colibri, la caresse d'une brise, ou le bruissement d'une feuille qui tombe en faisant un vacarme dans le silence solennel d'une messe.
Novembre est peut-être ce que d'autres ont senti en assistant aux derniers instants d'un mourant, percevant si clairement dans la pièce, cette énergie libérée, flottant, après la dernière expiration.
Novembre est le souffle délivré.
J’apprivoise depuis tellement d’années cette rencontre avec l’obscurité et voilà qu’au-delà de la peur du deuil je commence à comprendre le langage de la mort qui est un cri de vie silencieux. Là où je ne voyais que les écailles desséchées et les enveloppes vides, j’entrevois en ce jour nouveau la nature véritable de novembre.
Novembre est fête, joie, pulsations. Elle est la source d'éther libérée de son manteau opaque. Elle est chants feutrés, feux follets, lanternes et tisons ardents. Elle est phénix, puissance affranchie de toutes illusions.
Je ne sais pas pourquoi je dis Elle. Novembre serait peut-être féminine.
Novembre est aussi incomprise et mal aimée que les sorcières, les fées, les insectes nocturnes, la médecine du serpent et la sagesse de la pénombre.
Novembre est valse avec l’invisible, communion avec le monde intangible. Elle est une porte qui s'ouvre quand on accepte de perdre quelque chose. Elle est un bal éphémère décoré de faïence et de satin.
Novembre est un portail.
Une lumière qui s'engouffre et siffle comme un courant d'air par toutes les brèches.
Comments