Lune rouge
- La plume et l'ancre
- 5 juin 2023
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juil. 2023

[Image tirée d'une banque d'archives libres de droit]
Le soleil est incandescent ce matin. Il projette des carrés de braise sur le plancher de la maison. On dirait qu'il se couche avec ses draperies pourpres alors qu'il est bien haut dans le ciel, voilé d'une épaisse fumée ocre. L'odeur m'était parvenue hier matin. Je la reconnaissais entre mille. L'odeur des feux. La même que l'Afrique.
Cette nuit j'ai été réveillée par un vacarme sur la toiture. Des animaux grattaient et s'acharnaient à trouver des entrées dans les combles du toit. Je suis sortie et j'ai imité le cri du jaguar avec cet instrument rapporté du Mexique, me faisant prédateur au sommet de la chaine pour les décourager bien comme il faut. J'ai rugi à la lune, pleine, rougie elle aussi, comme si tous les éléments étaient enflammés. La Pleine Lune du Sagittaire, la sagesse du feu, la maitrise du forgeron.
Puis le soleil ce matin comme une orange sanguine perçant l'air cendré, reflétant les flammes qui dévorent les forêts du Nord et de l'Abitibi, à l'heure où j'écris sur ces mêmes forêts, celles que j'ai habitées, campées dans mon récit d'hiver, dans leur version enneigée et encore épargnée. Je regarde mon visage tacheté de rosacée. Même mes vaisseaux sont incendiés, comme si j'avais une forêt qui brûle aussi en moi, que mes rivières souterraines n'arrivaient pas à irriguer de leurs eaux les volcans sous ma peau.
Après les inondations de mai, les feux de juin. Participant d'une même pulsion purificatrice. Les forces primordiales, les éléments qui crient pour qu'on les entende, résonner d'abord peut-être en nous. On sent l'affolement, dans le vol des papillons, dans le silence anormal des oiseaux qui retiennent leur souffle, chez les bêtes qui cherchent un refuge. Même les mouches sont frénétiques aujourd'hui, affriolées par la sève qui bout, par nos veines remplies de lave.
La lune et le soleil. L'eau et le feu. Fondus. Dans le même rugissement. Écarlate.
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